Elle a dix-neuf ans. Je savais bien qu’elle partirait un jour pour voler de ses propres ailes, mais je me refusais d’y penser avant l’heure.
Ce matin de septembre 1976, l’heure a sonné. Marie part de la maison pour étudier le droit à l’université de Montréal. Sa valise est bouclée. L’émotion m’étreint. Claude camoufle la sienne en s’affairant à ranger les bagages dans la voiture. Marie et moi nous embrassons très fort et hop! La voiture démarre.
Je la suis des yeux jusqu’à perte de vue. Je rentre seule dans la maison et laisse aller les flots diluviens retenus. Ils sortent en trombe. Je pleure si fort que je n’entends pas marcher sur la galerie. La porte s’ouvre et Marie explose:
— Je le savais !
Nous voilà de nouveau enlacées dans un geste ultime de solidarité. Un duo de larmes.
— Nous resterons liées, maman. Nous communiquerons souvent.
— Oui, oui, je sais… Va ma belle.
Je sais, je sais. Mais mon alliée de tous les jours sera à trois cents milles de distance. Les quatre hommes de la maison tous charmants qu’ils soient sont de genre différent. Me voici devenue l’unique femme de la maison. Partie ma complice féminine, ma conseillère au goût sûr!
Partie?
J’oubliais que Marie a un cœur généreux qui ignore la distance.
Suivant sa promesse elle communique souvent et sait être là dans les moments difficiles comme dans les événements heureux. Elle continue d’être ma complice et demeure pour moi une source stimulante de bonheur.