Dans son prône du dimanche le curé avait annoncé la visite dans les foyers de la paroisse des religieuses de la communauté des Sœurs de l’Immaculée Conception. Quelques jours plus tard, deux religieuses se présentent à la maison. Ma mère les invite à s’assoir. J’ai quatre ans. C’est la première fois que je vois des femmes habillées de la sorte. Leur costume noir avec guimpe blanche et long scapulaire bleu m’impressionne. Mes sept sœurs et moi entourons les visiteuses avec timidité et curiosité. Une des révérendes, d’un ton aigu et chantant, explique la raison de leur visite : Maman ayant prévu cette visite leur remet une enveloppe contenant l’aumône de la famille. Avant de prendre congé, la deuxième religieuse jusqu’alors muette s’enquiert si une des filles parmi nous veut se donner au bon Dieu ? Ne percevant de notre part aucune réponse favorable elle change de propos : Embarrassée maman répond : La connasse insiste : Devant l’insistance stupide de la religieuse, c’est ma sœur aînée Gillot qui sauve la situation. Consciente de l’embarras de maman qui n’a pas encore informé Marie de la chose (Marie a cinq ans) Gillot se lève et dit : Persistant dans ses conneries, la nonne s’exclame : N’importe quoi ! Les deux visiteuses quittent en remettant à chacune de nous une image de l’Immaculée Conception. J’ai perdu depuis longtemps cette image pieuse mais je garde toujours en ma mémoire celle de la stupidité de la religieuse. Pour moi, la vraie charité est venue de ma sœur Gillot ce jour-là.
— Elles viennent solliciter vos aumônes pour leurs missions. Accueillez-les généreusement.
— Je reviens d’un séjour de deux ans dans nos missions d’Afrique. J’ai vu là une misère incommensurable. Des enfants meurent de faim. Vous ne pouvez imaginer cela vous qui mangez trois fois par jour. Des malades n’ont pas la chance d’être soignés parce qu’il n’y a pas comme ici un médecin dans leur village et que les rares hôpitaux sont trop éloignés. Il nous faut beaucoup d’argent pour construire des dispensaires. Un don, même minime, peut sauver des vies. C’est pour cela que nous faisons appel à votre charité.
— Sur huit filles, il y en a sûrement une qui est assez généreuse pour entrer en religion ?
— Laquelle de vos filles n’est pas à vous, madame Tremblay ?
— Ce sont toutes mes filles, ma sœur.
— Votre voisine m’a pourtant dit que vous en aviez une qui était adoptée. Laquelle ?
— C’est moi !
— Ah, je vois bien qu’elle est différente des autres.
lundi 25 avril 2011
Charité
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire