lundi 25 avril 2011

La neuvaine


C’est l’heure d’aller étendre les laizes. Les gens vont arriver bientôt.

Voilà ce que nous disait maman vers sept heures chaque soir de la neuvaine à la croix qui avait lieu en mai durant le mois de Marie.

Les voisins s’amenaient à pied. Monsieur et Madame John, Monsieur et Madame Henri suivis de la grand-mère Johnny aux longues jupes superposées… que l’on voyait un arpent avant d’arriver écarteler les jambes sans façon au bord du chemin pour faire pipi. Un peu plus loin c’était la famille d’Edgard Gagnon en compagnie de leur chien. De l’autre côté, venant du bas de la côte de l’école, souvent en retard, c’était Ernestas Guay à la voix grave de maître-chantre et sa femme tout essoufflée de s’être empressée…

Cette neuvaine était une initiative de mes parents. Les habitants du rang venaient neuf soirs d’affilée durant les semences prier la sainte Vierge pour une bonne récolte. Pour le meilleur confort des pèlerins qui devaient s’agenouiller nous déroulions des laizes en catalogne sur l’herbe devant l’enclos où était plantée la croix garnie pour la circonstance de lilas odorants.

Notre croix du chemin mesurait une quinzaine de pieds de hauteur. Noire et ornée de pointes blanches biseautées en son sommet et au bout de ses bras, elle régnait de l’autre côté du chemin en face de la maison.

Je me souviens que cette neuvaine était à la fois une démarche religieuse dont le rituel était présidé par mon père et un événement social joyeux. Dans la première partie on récitait le chapelet et chantait des cantiques. C’est mon frère Charles-Eugène qui entonnait les refrains tout en laissant les solos à Ernestas notre maitre-chantre. Dans la deuxième partie, les adultes s’attardaient sur la galerie pour piquer une jasette jusqu’à la noirceur, tandis que nous les enfants inventions des jeux amusants.

À huit heure juste, comme à l’accoutumée, maman donnait le signal de la fin de la récréation :

Il y a de l’école demain, les enfants, il est temps de rouler les laizes et d’aller au lit.

À demain les amis!

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