lundi 25 avril 2011

Le France

1967, année de l’exposition universelle de Montréal. En mai, le nouveau paquebot France accoste à Québec. Il amène à son bord des personnalités européennes qui se rendent à l’Expo. Il retourne en France quelques jours plus tard. Nous décidons d’accepter l’invitation des Anciens de Laval en nous offrant le luxe de traverser l’Atlantique à bord de ce prestigieux bateau.

Nous amenons à Québec nos quatre enfants afin qu’ils puissent visiter le navire et assister à son départ. Mon frère Charles-Eugène se chargera de les ramener au Saguenay dans leurs familles d’accueil. Au cours de l’après-midi nos quatre marmots découvrent avec nous la magnificence des lieux et les nombreuses facilités offertes à bord, spécialement les salles de jeux pour les enfants qui ont la chance de voyager avec leurs parents. Comme nous aurions voulu les amener avec nous! Un jour peut-être…

En ce 15 de mai, il fait un temps splendide. Le navire lève l’ancre à 19h. Claude et moi sommes debout sur le pont supérieur et regardons en direction du quai et de la ville. Le soleil couchant embrase de ses ocres la ville de Québec. Le château Frontenac s’éloigne et disparaît lentement. Nous serons cinq jours sans pouvoir communiquer facilement avec nos enfants.

Encore aujourd’hui, je me rappelle de mon émotion lorsque je voyais tout en bas les quatre de ma nichée, sous l’aile protectrice de leur oncle, agitant les bras en regardant ce colosse des mers lever l’ancre au son de son orchestre.

Nous regagnons notre cabine et revêtons la tenue de ville pour notre premier repas dans la vaste salle à manger. C’est le maître d’hôtel qui a choisi nos compagnons de table. Nous les découvrons ce soir-là. Nous sommes ravis, car il s’agit de deux couples charmants et cultivés.

Le premier, dans la quarantaine, est parisien. Le mari, ingénieur, revient d’un séjour de quelques années en Martinique. Sa femme qui était restée à Paris pour s’occuper des études de leurs filles lui avait donné rendez-vous à l’Expo avant de retourner à la vie commune. C’est en quelque sorte un second voyage de noce pour eux. L’autre couple, plus jeune, est montréalais. Ces deux-là sont aussi en voyage de noce. Mariés de la veille, ils se rendent à Paris pour fin d’études doctorales en lettres du mari à la Sorbonne.

C’est toujours avec plaisir que nous les retrouvons chaque soir à la table qui nous est réservée. Nos conservations s’éternisent et s’enrichissent des expériences de chacun. Nous constatons que nous sommes souvent les derniers à quitter la salle à manger. Quant au service, il est de classe. Les menus qu’on nous présente sont enluminés par des artistes contemporains. Nous goûtons au raffinement de la gastronomie française, sans oublier les vins qui accompagnent les plats. À ce propos, c’est lors de ce voyage que nous avons décidé de casser notre bouton Lacordaire. Il eut été malpoli en si bonne compagnie de bouder de si bons crus.

Cette traversée de l’Atlantique revêtait un cachet exceptionnel car il y avait à bord plusieurs artistes qui revenaient de l’Exposition universelle de Montréal. Chaque jour en matinée et en soirée on nous offrait un des spectacles qui avaient été présentés au pavillon de la France. C’est ainsi que nous avons eu la chance de voir jouer des acteurs de la Comédie française, d’assister à des défilés de Haute couture (Christian Dior, Pierre Balmain, Jacques Fath et Yves Saint-Laurent), d’entendre la grande chanteuse Mireille au piano (Couché dans le foin, Papa n’a pas voulu…)

Cette traversée de l’Atlantique à bord du France demeure sans conteste un de nos plus beaux souvenirs de voyage.

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