En 1968, Laurent Bouchard nous demande d’accueillir au nom de l’Institut des arts au Saguenay dont il est président deux français venus observer les centres culturels du Québec. Ils sont liés aux maisons de la culture en France et ont reçu le mandat de voir le mode de fonctionnement de ces créations récentes que sont les centres culturels du Québec et qui font jaser outre Atlantique. C’est un vendredi. Claude étant retenu par son travail, c’est donc moi qui accepte de rendre service à notre ami Laurent, loin de m’imaginer qu’il nous offrait le cadeau d’une future grande amitié. Je m’en vais donc cueillir au Centre culturel Messieurs Verpraet et Perrenot. Comme ils en ont déjà fait la visite guidée la veille, je leur propose d’explorer deux lieux importants de ma région : le barrage hydroélectrique de Shipshaw et l’usine Alcan d’Arvida. Ces visites plaisent aux deux touristes. Le gigantisme de ces ouvrages les impressionne, particulièrement Michel Perrenot qui est ingénieur. Dans ces déplacements je ne suis pas sans remarquer la galanterie de ce dernier dont le charme à la française ne me laisse pas indifférente. En fin de journée, je les invite tout simplement à venir partager le souper familial à la maison. Avant, un dernier arrêt à Saint-Raphaël, notre église paroissiale à l’architecture innovatrice. Par chance le curé Roland Larouche est là. Je ne peux trouver meilleur guide. En le quittant, il nous promet de venir poursuivre chez nous en soirée. Soirée bavarde et animée dans notre petit salon de l’époque. Monsieur Verpraet, catholique pratiquant, prend intérêt aux propos de notre curé qui est avant-gardiste dans le renouveau liturgique. Michel de son côté m’avoue que ce n’est pas sa tasse de thé. Surprise de les voir tous deux à la messe du dimanche à Saint-Raphaël, je demande à Michel : Charmant! Les semaines passent. Je reçois par la poste un colis de France. Il contient une ravissante écharpe de soie or et noir. C’est l’œuvre de Françoise, épouse de Michel. « Je la porte à mon cou en souvenir de toi » comme dit la chanson de Maurice Fanon. Au fil des ans, nous avons perdu la trace de monsieur Verpraet. Mais, avec Michel, les liens solides se sont tissés, lettres et rencontres aidant. Lors d’un voyage en France avec nos enfants, Michel accourt de sa Bretagne nous rejoindre à Paris avec Françoise. Sa cousine Claude, parisienne, se joint à nous pour une soirée fort joyeuse sur la place du Tertre. Le couple Perrenot déjà vacillant divorce. Michel trouve en sa cousine Claude une compagne amoureuse et attachante. Les relations Perrenot-Gagnon s’intensifient. Innombrables furent les traversées de l’Atlantique de part et d’autre, tout comme les voyages partagés en France, au Québec, voire même en Nouvelle-Angleterre et à New York. Lors de notre cinquantième anniversaire de mariage en 2004 les Perrenot, de connivence avec les organisateurs de la fête, nous réservaient une surprise spectaculaire. Notre fils aîné Yves venait de terminer la lecture de leur message exprimant leurs regrets de ne pas être avec nous quand, coup de théâtre, Michel et Claude font leur apparition dans la salle, soulevant acclamations des invités et touchantes émotions de notre part. L’avènement de l’Internet nous a apporté un moyen de communication supplémentaire. Nous pouvons à la minute près avoir de leurs nouvelles, goûter le verbe généreux de Claude et l’humour un tantinet érotique de Michel. Lorsque nous nous retrouvons ensemble la conversation continue comme si nous nous étions quittés la veille. C’est ça une grande amitié.
— Votre ami Verpraet a fait une conversion ?
— Non, c’est le miracle d’une hôtesse séduisante.
lundi 25 avril 2011
Grande amitié
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