lundi 25 avril 2011

Invitation particulière

Lorsque j’étudiais l’anglais à Toronto en 1981, Barbara Mc Kay, chez qui je logeais, veillait sur moi comme sur sa propre fille.

Un jour je reçois une invitation à dîner de la part du Juge en chef de la cour provinciale de l’Ontario, le juge East(?). Celui-ci avait appris par Claude ma présence à Toronto et se faisait un devoir (je n’ose dire un plaisir) de m’inviter chez lui.

Le soir dit, je mets mes plus beaux atours et j’attends monsieur le Juge qui a promis de venir me chercher. Je ne l’ai jamais rencontré. Je ne connais rien du personnage. À l’heure convenue, une rutilante voiture décapotable se gare en face de la maison. Un élégant gentleman en descend et frappe à la porte. C’est le Juge en chef.

Telle Cendrillon dans son carrosse, je me sens privilégiée de monter à bord d’une si luxueuse voiture menée par un prince aussi charmant. Oublié pour quelques heures le régime austère d’étudiante. Cheveux au vent je me laisse mener jusqu’à la résidence cossue de mes hôtes.

Madame m’accueille chaleureusement. Elle ne parle pas français, mais semble le comprendre tant son visage est expressif. Mes hôtes ont aussi invité à partager le repas un couple franco-ontarien dont le mari est aussi juge à la cour de la province. Si ma mémoire est bonne son nom était Pomerleau.

Le français devenu majoritaire chez les convives, les conversations se déroulent en cette langue. Les propos arrivent vite sur la place du français en Ontario. Le juge en chef qui est bilingue s’emploie à ce que sa cour donne ses services dans les deux langues, non sans difficulté dans cette province très majoritairement anglophone. Le juge Pomerleau et sa femme pour leur part sont originaires de Sudbury. Depuis leur jeune âge ils militent pour la reconnaissance et l’épanouissement de leur langue. Ils évoquent les gains et les échecs des dernières années. Je reconnais chez eux une passion nationaliste qui s’apparente à celle des Québécois.

Il est l’heure de rentrer. Monsieur et madame Pomerleau m’offrent de me raccompagner à ma pension.

À ma grande surprise, Dame Mc Kay est encore debout. Elle me dit avoir été inquiète en me voyant partir seule avec un si beau monsieur…

Je la rassure. N’étais-je pas en sécurité dans les bras de la Justice?

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