Fin d’après-midi, février 1981. Claude Vaillancourt, président de l’Assemblée nationale, au bout du fil : À l’époque je ne peignais que des femmes. C’est donc avec surprise que je reçus cette demande. Le défi était grand. Sans en mesurer toute l’ampleur, j’acceptai au grand bonheur de Monsieur Vaillancourt qui termina en m’informant que son prédécesseur avait été peint par Jean-Paul Lemieux. La barre était haute ! À la signature du contrat, le fonctionnaire de l’Assemblée nationale me mentionne que c’est la première fois que ce mandat est confié à une femme. Le défi monte de nouveau d’un cran. J’apprends aussi que le portrait de Clément Richard peint par J.-P. Lemieux n’est pas encore accroché dans la galerie des présidents parce que sa composition non conventionnelle a soulevé des critiques chez les parlementaires. J’en prends bonne note. Mon défi est déjà suffisamment grand. Je représenterai donc le président assis sur son trône comme le veut la tradition. Je profite de ce passage à Québec pour prendre de nombreuses photos de la Chambre bleue et particulièrement du trône présidentiel finement sculpté. Autre défi, Monsieur Vaillancourt m’affirme n’avoir qu’une demi-journée à disposer pour les séances de pose. Mon fils François, photographe à l’œil vif, accepte de prendre des photos de mon célèbre modèle durant la pose dans mon atelier. Ces documents photographiques devraient compenser les séances manquantes. Je réalise d’abord un croquis en taille réduite sur une feuille quadrillée, ce qui me permet par la suite de le transposer à l’échelle sur la grande toile au moyen d’un fusain. Pour ce faire j’ai l’aide précieuse de mon fils Jean, alors étudiant en art à l’université. Une fois transposé, je fixe le dessin au moyen d’un lavis et efface toute trace de charbon. Me voici seule maintenant pour commencer l’huile. Avant de m’attaquer au personnage, je commence par le fond. J’opte pour le bleu royal en référence aux couleurs du Québec, afin qu’en avant-plan le fauteuil présidentiel avec ses tons dorés soit mis en valeur. Je me suis longtemps attardée aux fines sculptures du fauteuil. J’ai pris plaisir à rendre avec grande précision les armoiries du Québec au sommet, les hauts et bas reliefs du dossier, le rouge du velours. Pendant ce temps, mon personnage s’impose dans ma tête. Il me reste à l’installer sur le trône et, défi ultime, à le rendre ressemblant dans la dignité de sa fonction. Y suis-je arrivée? Deux témoignages me rassurent. Le premier vient de la mère du président qui, en voyant le portrait de son fils, s’exclame : Le deuxième, de son chauffeur qui fait cette remarque : Aurais-je inconsciemment répondu au désir de monsieur Vaillancourt qui m’avait confié, lors de sa séance de pose, vouloir perdre du poids. L’art du portrait ne consiste-t-il pas à idéaliser le personnage? Modestement je pense avoir relevé le défi. Ce portrait du quarante-huitième président de l’Assemblée nationale a rejoint ses pairs dans la galerie des présidents au Parlement de Québec.
— J’ai pensé à vous pour réaliser mon portait officiel comme Président de l’Assemblée nationale.
— C’est lui en peinture!
— Il se ressemble mais… il est plus mince qu’en réalité.
lundi 25 avril 2011
Défi
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