lundi 25 avril 2011

La première bouteille

Claude et moi étions membres des Lacordaire bien avant notre mariage en 1954. Claude y militait depuis qu’il avait 16 ans et nous deux en avions fondé un cercle dans notre paroisse. C’était un mouvement à connotation religieuse où le membre s’engageait à l’abstinence totale de tout alcool : il ne pouvait ni en boire ni en offrir. Il s’adressait aux alcooliques et aussi à tous ceux qui voulaient être solidaires avec eux. Nous étions de ces derniers.

Claude n’avait jamais trempé ses lèvres dans un verre d’alcool et quant à moi, mon seul excès s’était limité au verre de vin familial du jour de l’an. Nous avions adhéré à ce mouvement parce que nous avions foi en sa mission. Nous en sommes restés membres plus de vingt ans.

C’est à l’occasion d’une croisière à bord du France que, d’un commun accord, nous avons pris la décision de casser notre bouton (expression qui signifiait le fait de retirer l’épinglette identitaire Lacordaire que l’on portait à la boutonnière). Il faut dire que le mouvement était alors en déclin.

Lors d’un voyage antérieur en France en 1965 nous avions été quelque peu embarrassés en refusant les politesses de nos hôtes. Je me rappelle aussi de l’étonnement de nos amis d’origine belge, Monique et André, lorsqu’ils sont venus chez nous pour la première fois. Respectueux de nos engagements ils n’étaient quand même pas tout à fait sûrs de la valeur du sacrifice que nous nous imposions et que nous imposions à nos invités.

Ce fut donc dans la salle à manger du FRANCE en ce 15 mai 1967 que nous avons pour la première fois gouté au nectar de Bacchus. Pour concrétiser ce geste nous avons rapporté dans nos valises une première bouteille, un vin blanc de la Loire acheté chez un viticulteur de Saumur, dans l’intention de le partager avec nos amis.

Cette première bouteille fit grand effet après notre retour lors d’un repas partagé avec André et Monique. C’est sans mot dire que Claude l’ouvrit devant eux, versa le vin dans des coupes nouvellement acquises et leva son verre à la santé de nos amis... médusés…

Longtemps nous avons gardé sous verre l’étiquette de cette mémorable première bouteille.

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