Lors de notre traversée de l’Atlantique à bord du France, nous nous étions liés d’amitié avec un couple de parisiens qui partageait notre table. Ce couple revenait de l’Expo 67 où ils s’étaient donné rendez-vous. Séparés depuis quelques années par le travail d’ingénieur de monsieur en Martinique, ils retournaient reprendre la vie commune à Paris. Nous descendions à Southampton afin de visiter Londres avant de nous rendre à Paris. Eux continuaient jusqu’au Havre. Ils nous avaient donné leurs coordonnés et nous avaient fortement invités à aller les visiter durant notre séjour à Paris. Ce sera simple, nous avaient-ils promis. Le soir convenu, nous nous rendons donc chez ces nouveaux amis qui habitaient un appartement cossu dans le quartier du Luxembourg. Très simple en effet : accueil au champagne, table montée sur dentelles d’Alençon, entrée au foie gras suivie de mets et entremets, arrosés bien sûr de vins sélects et abondants. À table depuis vingt heures, nous y sommes encore lorsque vers minuit un léger bruit de porte attire l’attention. Quelques temps après notre retour, une lettre de madame nous apprenait que leur couple n’avait pu se ressouder et que son mari était retourné vivre en Martinique.
— Est-ce toi, Lucile ? demande notre hôte.
Une jolie adolescente se pointe timidement. Son père se lève et lui acène devant nous une gifle en plein visage.
— Va au lit et nous en reparlerons demain.
La maman embarrassée voit mon indignation. Elle m’explique que son mari n’a pas vu grandir ses filles, qu’il les croit encore petites, qu’il est d’une sévérité excessive.
C’est sur cet état de choc que nous nous levons pour prendre congé.
Notre hôte nous offre de nous ramener à notre hôtel. Heureusement, car nous aurions eu peine à retrouver notre chemin, tant nous avions célébré Bacchus.
Le lendemain, au réveil, nous constatons avec surprise que nous nous étions couchés sur le lit tout habillés. Il valait mieux en rire. Rire qui tourna vite en tristesse à l’évocation de la fin dramatique de cette soirée qui avait si bien commencé.
lundi 25 avril 2011
Une réception au goût amer
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