lundi 25 avril 2011

L'annonce faite à Marie

Dernier samedi d’août. L’école du rang commence dans quelques jours.

Tout est prêt : les robes du dimanche prévues pour la première journée sont bien repassées et suspendues dans la garde-robe, les sacs d’école remplis de livres, de cahiers neufs, de crayons bien affûtés dans leurs coffres en bois attendent près des lits. Il ne reste plus que la coupe de cheveux.

Nous, les quatre dernières alignées à la table de la cuisine, attendons notre tour pour prendre place sur le haut banc. Maman est là avec sa trousse de barbier.

Qui veut bien s’asseoir la première ?

Moi, dit Marie.

Marie, sept ans, toute confiante observe miroir en main les coups de ciseaux de la coiffeuse. Elle lui fait une jolie coupe en balai selon la mode du temps.

Avant de céder sa place, ma sœur pose à notre mère cette question qu’elle n’attendait sûrement pas :

Est-ce vrai, Maman, que je ne suis pas ta petite fille ?

Maman a toujours su contrôler ses émotions. C’est d’un ton très calme qu’elle demande malgré sa surprise :

Qui t’a dit ça ?

Cécile Gagnon, chez monsieur John.

Maman fait mine de couper quelques poils rebelles puis répond :

Tu es ma petite fille, Marie. Ton père et moi, nous sommes allés te chercher à la crèche de Québec. Tu avais trois mois. Nous pensions ramener un garçon mais quand nous t’avons vue si belle et souriante c’est toi que nous avons choisie. J’attendais que tu sois plus grande pour te le dire.

Sur ce, ma mère la fait descendre du banc, lui donne une tape affectueuse sur l’épaule et reprend :

Tu es notre petite fille et tu es toujours belle. Qui vient s’asseoir maintenant ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire