lundi 25 avril 2011

Solange

Elle s’appelait Solange. Solange Alain. Claude, étudiant à Québec, m’en avait parlé dans une de ses lettres. Cette étudiante en chant à l’école de musique de l’Université Laval l’accompagnait parfois à des concerts.

Tu devrais l’aimer, elle te ressemble.

La confrontation se fait par un beau samedi de mai 1952, alors que Solange vient avec lui à Jonquière.

Je m’amène à la résidence des Gagnon. Dès l’entrée j’entends de la musique. Claude m’accueille rapidement à voix basse et m’invite à venir m’asseoir au salon.

Debout une jolie blonde à la voix de soprano chante avec une assurance manifeste : « L’amour est enfant de bohème qui n’a jamais, jamais connu de loi… ». Madame Gagnon l’accompagne au piano tandis que les autres membres de la famille écoutent émerveillés.

Je me sens provinciale dans ma petite jupe plissée écossaise et mon twin-set vert foncé alors que Solange, elle, porte un élégant tailleur pied-de-poule de style Chanel. Je ne vois pas la ressemblance dont parlait Claude. Sauf la couleur des cheveux, je ne vois pas en quoi je peux me comparer à cette demoiselle délurée de la capitale déjà vouée au monde de la scène.

Par instinct de survie, oubliant mes certitudes fragilisées, je me lève et je vais saluer la vedette en lui disant que Claude dans une de ses lettres quotidiennes m’a parlé de son talent de chanteuse. Lui affirmer la quotidienneté de notre correspondance voulait à ma façon lui déclarer mon rang de favorite.

Pendant le repas qui suivit ce concert intime, j’ai eu l’occasion d’échanger avec Solange, d’évaluer sa culture et surtout sa grande délicatesse. Je me suis sentie rassurée. Notre amour n’était pas en danger. Ouf!

Le temps à passé. Qu’est devenu Solange depuis? Nous avons appris récemment par un de ses cousins vivant dans notre immeuble que Solange avait fait carrière aux États-Unis. Lui aussi en a perdu la trace.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire